Bonjour à toutes et à tous, nous vous souhaitons une bonne et heureuse année 2024 ! Que cette nouvelle année nous apporte une politique française calme... ou pas ! Nous espérons que vous avez passé de bonnes fêtes de fin d'année et bienvenue dans votre première dose d'actualité en affaires publiques de l'année 2024, offerte par le cabinet VOXA. Voici les éléments qu'il ne fallait ne pas manquer cette semaine
L’instant réglementaire
Quels rendez-vous parlementaires pour le millésime 2024 ?
Il y a bien des incertitudes, en ce début d’année, sur l’organisation des débats au Parlement, mais on sait déjà que quelques textes, déjà dans les tiroirs, peuvent répondre à l’appel au « millésime français » tels qu’annoncés par Emmanuel Macron lors de son allocution dominicale, pour mieux « réarmer » son quinquennat. Parmi les principaux thèmes à travers le verbatim présidentiel (liste non exhaustive) : Environnement, simplification, inflation.
ENVIRONNEMENT
« La France, qui produit déjà de l'électricité parmi les plus décarbonées d'Europe, sortira totalement du charbon d'ici à 2027. C'est ce même combat que nous porterons à l'international avec notre pacte pour les peuples et la planète. »
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La première loi de programmation de l’énergie et du climat devait être présentée à l’automne. Si la parole présidentielle est respectée, le sujet devrait revenir à la table du conseil des ministres en février, alors que les impacts du Green Deal européen commenceront à se réaliser dans le droit français. Au programme pour Agnès Pannier-Runacher : atteindre nos objectifs climatiques et gagner en souveraineté énergétique, la sobriété et la justice sociale devront être au cœur de la politique énergétique du mandat, dans un contexte où la hausse constante des prix du gaz, des carburants, de l’électricité affecte tous les budgets…
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Les premiers jets de Stratégie nationale bas carbone 3 (SNBC), de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2024-2033 et de Plan National d’Adaptation au Changement Climatique 3 (PNACC) devraient être dévoilés dans la foulée. Cette loi et ces trois documents constitueront la future stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC), qui devra être finalisée au printemps 2024.
SIMPLIFICATION
« En 2024, nous aurons à accélérer encore nos efforts et à simplifier drastiquement la vie de nos entrepreneurs, nos agriculteurs, nos commerçants, nos artisans, nos élus et en particulier nos maires, et pour de nombreux secteurs, dont celui du logement. »
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Dès le 25 janvier, une PPL « tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités territoriales » qui sera examinée au Sénat.
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Courant février, le PJL destiné « à rendre plus efficace l’action publique » sur lequel le ministère va lancer dans les jours qui viennent les premières concertations. L’objectif serait de présenter ce texte qui va impacter la fonction publique au Parlement « avant l’été ».
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Last but not least... le projet de loi d’orientation agricole sera présenté en mars, pour des discussions qui devraient s’ouvrir à l’Assemblée nationale en avril. Le pacte d’orientation agricole devrait également être dévoilé dans la foulée. Le ministre Marc Fesneau aura fort à faire : assurer les filières, reprendre attache avec la grande distribution après la loi Descrozailles, rester dans les clous de la PAC en cette année européenne en offrant un cadre national aux agriculteurs et agricultrices dans la transition agroécologique (soutien à l’agriculture biologique, transition de l’élevage, diversification territoriale des exploitations, développement des petites structures, rémunération…) préserver les terres agricoles tout en respectant les grandes lignes de la loi Ferme France, au risque de se mettre à dos les tout-puissants sénateurs…
INFLATION
« Marquée encore par la tension géopolitique croissante, les conséquences des dérèglements climatiques sur notre territoire, des actes terroristes sur notre sol. Des divisions, des gestes de haine, parfois, des violences, à plusieurs occasions qui fragilisent la cohésion de la Nation. Enfin, l’inflation a sévi qui rend tout plus difficile : se loger, se déplacer, faire ses courses. »
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À la suite du Projet de loi relatif à « l’accélération et à la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement » qui sera discuté en commission à l’Assemblée nationale mi-janvier, un autre PJL pourrait être présenté au printemps pour revoir les outils de maîtrise du foncier et des modalités d’attribution des logements sociaux.
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Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a annoncé à l’automne un projet de loi Pacte II pour permettre de poursuivre la simplification des normes qui entravent la croissance des entreprises, en particulier les plus petites et moyennes. Le numéro 2 du gouvernement a par ailleurs dit « regarder comment réduire l'écart entre (le salaire) brut et net », ainsi que « le poids des cotisations ». Le projet de loi sera notamment alimenté par les propositions d'entrepreneurs soumises lors des consultations organisées dans le cadre des « Rencontres de la simplification », lancées par Bercy mi-novembre. Au programme au plus tard en mars 2024.
Décryptage
Borne va-t-elle trinquer pour le millésime français ?
2024, « un millésime français », est une référence aux grands événements qui vont marquer l’année : le 80e anniversaire du débarquement, les Jeux olympiques et paralympiques à Paris l’été prochain, la réouverture de Notre-Dame-de-Paris le 8 décembre. Autant de grandes dates qui feront de 2024 un "millésime" donc et une année de "fiertés françaises", selon Emmanuel Macron lors de son allocution... Mais pas seulement…
Le président a pu cocher les cases « Inflation », « écologie », « simplification », c’est sur la ligne directrice que l’hôte de l'Élysée était attendu.
Si le mot « réarmement » a été utilisé sept fois, c’est qu’il y a bien une volonté de faire passer un message… D'abord parce que cela rime avec remaniement, mais nous y reviendrons… Car puisqu’il faut réarmer, qui donc est l’adversaire, l’ennemi, où donc se situent les périls qui méritent que le pays soit sur ses gardes à tout point de vue ?
À l’échelle internationale, le monde est plus dangereux qu’il ne l’était il y a un an. En France, l’année 2023 n’a certes pas été de tout repos : la protestation contre la réforme des retraites a perturbé le premier trimestre, les émeutes de juin ont secoué le pays. Mais la République n’a pas été en danger. Elle a encaissé, résisté, le gouvernement a gouverné.
S’il y a péril, ce n’est pas dans la rue. S’il est nécessaire de poursuivre les réformes et « d’agir » avec « détermination » - deux autres mots très présents dans les vœux du président - le vrai danger auquel Emmanuel Macron est confronté est dans ses rangs. Et il en est la cause en ayant fait passer coûte que coûte la loi sur l'immigration, au risque de déstabiliser son gouvernement et sa majorité.
Alors, remanier ou pas ? Oui, et il n'y a plus guère de choix.
Premier point à la Santé : il y a urgence ! L’intérim d’Agnès Firmin Le Bodo est déjà précaire, ses cadeaux Urgo collent à la peau de l’ex-pharmacienne… Imagine-t-on un ministre de la Santé être obligé de se déporter sur toute la politique du médicament ?
Deuxième oui, avec tous ces ministres (aile gauche) qui n’ont pas assumé la loi sur l'immigration, « ces bonnes âmes » à qui Emmanuel Macron ne pardonne pas de « ne pas avoir mené le combat ». Clément Beaune, Rima Abdul-Malak, Sylvie Retailleau, Patrice Vergriete poussés vers la sortie, de même que le fameux « en même temps » ?
Rendons à Jupiter ce qui appartient à Jupiter : l'Élysée a commencé lui-même le bal du remaniement : changement de communicants, et de directeur de cabinet, avec l’arrivée de Patrice Faure. Volonté d’ouvrir une nouvelle page, de faire peau neuve, avec ce fameux « Rendez-vous avec les Français » fixé à mi-janvier, tout semble prêt…
Sauf un point, et pas des moindres : Elisabeth Borne. Comme on dit en haut d’une grue de chantier, « elle a fait le job » ! La DGS de Matignon a permis de cocher les retraites et l'immigration, deux mères de réforme, vendues avec facilité, accouchées dans la douleur. Le discours n’ayant pas suivi la méthode, la première ministre tenait jusqu’à présent grâce à l’aile gauche de la majorité, le lâchage entre deux votes au Sénat et à l’Assemblée par 5 ministres mutins a peut-être scellé son sort plus que son management un brin décrié, elle est surtout la victime annoncée de la nouvelle droitisation imprimée par le président. De là à être remerciée ? C’est le scénario le plus probable même si, comme l'été dernier, la question de son remplacement pose encore plus de questions que son maintien…
En 2015, un Arnaud Montebourg fut prié de quitter Bercy pour avoir vanté la cuvée du redressement, c’est aujourd’hui Elisabeth Borne qui pourrait trinquer pour le millésime français !
Sur la scène politique :
Et le futur Premier Ministre est…
Remanier, avec qui ? Dans ces équations à plusieurs inconnues, une certitude : Emmanuel Macron aime garder plusieurs cartes dans son jeu, quand il le peut. Et au-delà du casting, le président doit aussi trancher le moment : aujourd’hui, personne ne sait quelle équipe se réunira au premier conseil des ministres de l’année, prévu le 10 janvier. Personne, sauf nous !
On le sait, l’idée serait d’abord de fermer une page difficile après les retraites et la crise politique autour de la loi sur l'immigration, de changer, aussi, un gouvernement pléthorique et désuni alors que des ministres de l’aile gauche ont affiché ouvertement leurs divergences ces dernières semaines. Emmanuel Macron voudrait consolider une équipe soudée, capable de lancer la bataille des européennes et d’ouvrir une nouvelle page, celle du rebond, en cette année marquée par les Jeux olympiques. Maintenant, pour faire quoi, avec quel cap, et sur quel projet ? Tout cela, le président devrait le détailler plus tard en janvier.
L’enjeu pour l’actuelle Première ministre reste donc à la manœuvre pour imposer un remaniement plus large qui porterait sa marque, un mercato beaucoup plus politique qu’annoncé en mode team building pour la conforter comme chef de la majorité. Une sorte d’assurance survie quand elle n’apparaît plus dans le viseur d’un Gérald Darmanin en embuscade, mais lâchée par l’aile gauche de la majorité. Certes, les 100 jours sont passés, elle n’est plus le vrai « maître des horloges », mais le Président cherche encore la recette alors que l’équipe doit être remaniée et le projet refondé. La sortante a-t-elle encore assez d’atouts dans sa manche ? Verdict sous peu... L'enfer de Matignon reste pavé de bonnes intentions.
La tambouille élyséenne pour Matignon est connue : une grosse poignée de confiance, une pincée de technocratie, une sauce terrain et une saveur transpartisane… Et surtout, ne pas se faire dicter son choix par la presse. Autant d’éléments pourraient encore servir Elisabeth Borne comme correspondre à une shortlist…
À ce jeu, un nom : Julien Denormandie.
Principale qualité : La carte jeune, expérimenté et sans ambition pour 2027. Emmanuel Macron ne prendrait pas le risque de promouvoir un ministre ouvertement trop ambitieux, l’enjeu étant d’éviter que la suite de son mandat soit parasitée par sa succession. Autre atout, c’est un historique de la Macronie, objet partisan non identifié dont les qualités de négociateur en vue de la PAC et auprès des agriculteurs peuvent s’avérer utiles au Parlement.
C’est effectivement un politique plus madré qu’il ne laisse apparaître, qui maîtrise le jeu politique sans y toucher et parle le langage parlementaire sans broncher. Jadis ministre rusé et affable, il pourrait faire le lien avec la droite LR avec qui il n’a pas de passé ni de passif tout en rassurant l’aile gauche de la majorité dans un contexte de majorité relative.
S’il coche beaucoup de cases, il a quelques faiblesses : son manque de notoriété, et le fait qu'il ait pris du champ vers le privé, en somme comme un certain Édouard Philippe en 2017… S’il a officiellement quitté la politique et travaille désormais dans une startup son nom avait déjà beaucoup circulé lors du précédent remaniement en juillet dernier. Emmanuel Macron veut plus que jamais un super DGS, il ne fera pas d'ombre au président et l’homme sait parler aux élus.
Passons sur les autres impétrants :
- Bruno Le Maire. À Bercy depuis 2017, le ministre de l'Économie, qui fait partie des rares à être bien identifié par les Français, n'a jamais fait mystère de ses ambitions à Matignon. Il n'est cependant pas un proche du chef de l'État. Raté pour la confiance…
- Un nom est revenu régulièrement (trop ?), celui de Sébastien Lecornu, le ministre des Armées. Pourquoi ? Bien qu’il vienne de la droite, il a su intégrer le premier cercle et gagner la confiance du président après avoir organisé le grand débat, en 2019. C’est aussi un négociateur dans l’âme, aussi consensuel que « chef sachant cheffer », l’adoption de la loi de programmation militaire ayant prouvé ses facilités... S’il coche lui aussi beaucoup de cases, il a quelques faiblesses : son manque de notoriété, le fait qu’il soit utile aux armées dans une période de guerre, que, avec Darmanin, c’est le second régalien indispensable au Président, et puis, Sébastien Lecornu apporterait-il réellement la majorité qui manque à Emmanuel Macron, son passé côté LR commençant à dater…
- Béchu, il semble cocher presque toutes les cases : l’ancrage local - il a occupé à peu près tous les postes électifs -, la négociation - l’homme manœuvre souvent en silence au Parlement sur des dossiers exposés et discutés comme le ZAN, a la confiance du président mais… l’ex-LR n’est pas plus en mesure d’élargir la majorité que son homologue des armées et surtout, il reste le secrétaire général et opérationnel en chef chez Horizons. Le président en recherche de cohésion prendra-t-il le risque de braconner une pièce maîtresse chez Édouard Philippe ? Manœuvre risquée d’autant que les possibles remplaçants à la transition écologique ne sont pas légion...
Alors Denormandie, Béchu, Lecornu, Le Maire ? Qu’importe, Emmanuel Macron devra marquer avec ce remaniement l’acte 1 de son rendez-vous vanté avec la Nation, au moins jusqu’aux européennes. Pour servir son nouveau Millésime, Emmanuel Macron a surtout besoin d’une nouvelle équipe pour redresser la barre et rattraper le RN d’ici aux européennes.
Le politique de la semaine :
Le regretté
Julien Denormandie, né le 14 août 1980 à Cahors, est un ingénieur et homme politique français. Il a occupé des fonctions clés dans plusieurs cabinets ministériels avant de jouer un rôle majeur dans la création du mouvement En Marche ! en 2016. Denormandie a ensuite servi en tant que secrétaire d'État, puis ministre, sous la présidence d'Emmanuel Macron, gérant des portefeuilles tels que la Cohésion des territoires, la Ville, le Logement et l'Agriculture. Il marque chaque passage ministériel de son empreinte et emporte avec lui l'adhésion des acteurs. On se souviendra des pancartes "Rendez-nous Julien" brandies par les agriculteurs lors de manifestations... contre le gouvernement ! Cocasse.
C'est tout pour cette semaine ! N'hésitez pas à partager cette newsletter avec vos collègues et à nous contacter pour toute question ou besoin de clarifications. On se retrouve la semaine prochaine. À bientôt !