Bonjour à toutes et à tous, nous espérons que vous avez passé une bonne semaine et que la pause estivale vous aura fait le plus grand bien. Nous vous retrouvons pour votre dose hebdomadaire d'actualités en affaires publiques offerte par le cabinet VOXA. Voici les éléments qu'il ne fallait ne pas manquer cette semaine de rentrée :
- Lois(s) immigration : discussions adroites et projet de travers
- Un projet de la loi de finances comme nouvel horizon de campagne
- Le Darmatrain reste à quai à Tourcoing
- Voyage au bout de l’ennui à Saint-Denis
- Le politique de la semaine
L’instant réglementaire :
Lois(s) immigration : discussions adroites et projet de travers
Une loi ? Deux textes ? Un décret ? Un référendum ? Alors que l’exécutif ne sait plus à quel saint se vouer, la rentrée politique a été lancée à Saint-Denis et, comme annoncé ici, par la porte droite avec l’immigration comme bible du débat public pour une majorité en quête de projets.
Un projet, certes il existe, c’est la loi sur l'immigration. Éclose au printemps, chantée par la cigale Darmanin tout l’été, le sujet fait maintenant l’objet d’une reprise en main en mode fourmi par l’Élysée. Ou comment trouver les clés du paradis d’une majorité de projets au Parlement. Or, entre la Sarkommunication contrariée du côté de Beauvau, le stand-by au Sénat avant le renouvellement du 24 septembre et la surenchère LR d’un Eric Ciotti imposant son tempo et ses conditions, l’enfer est plus que jamais pavé de bonnes intentions et surtout d’ambitions.
Le gouvernement est pour l'instant embourbé dans la discussion de son texte, qui ne reprendra au Sénat qu'après les élections sénatoriales du 24 septembre. Six mois d'interruption donc, depuis que la Commission des lois de la Haute assemblée a profondément amendé ce texte. Entre-temps, Emmanuel Macron a multiplié les fausses manœuvres. Il avait envisagé un examen du projet de loi en juillet, il avait même songé au printemps à le couper en deux textes.
Textes réécrits, ajournés, reprogrammés, découpés, depuis un an les parlementaires ne savent plus à quelle sauce sera cuisinée la couleuvre à avaler. La première fois que Gérald Darmanin en parle, c’est en juillet 2022, pour un projet de loi qui n’arrive en Conseil des ministres qu’en février ! Olivier Dussopt et Gérald Darmanin en stéréo, rappelez-vous : « nous serons gentils avec les gentils, méchants avec les méchants ».
La suite, on la connaît, blocage avec la droite LR, sans qui il n’y a pas de majorité : en mars, le Président veut plusieurs textes. En avril, il n’en veut qu’un. Un vote a bien eu lieu, c’était le 15 mars, mais seulement à la commission des Lois du Sénat. Version tellement durcie, car issue à 80 % d’un rapport maison thématique, que l’Élysée a dû mettre son veto ! Mission impossible pour Elisabeth Borne, 100 jours, et toujours sans majorité.
Juin, juillet : passe et impasse. Le bout du tunnel ? Au mieux, en octobre, le temps de laisser passer les sénatoriales.
L’heure est maintenant au dialogue sous le patronage de Saint-Denis et les scénarios abondent : si plutôt qu'une loi, on refaisait une circulaire, pour actualiser celle de Valls ? Gérald Darmanin, qui ne veut pas se couper de la droite, voudra-t-il laisser son nom sur une circulaire de régularisation ? Mais pour essayer de trouver une majorité, l'exécutif risque peut-être de devoir abandonner tout un pan de sa réforme. En effet, la droite impose ses conditions et ces conditions sont très élevées. Deux sont inacceptables pour le gouvernement : le référendum donc, ainsi que la possibilité de déroger aux règles européennes en matière de politique migratoire. Une troisième condition est peut-être plus atteignable. LR ne veut pas entendre parler de la création d'un titre de séjour pour les étrangers sans-papiers qui travaillent dans les métiers dits en tension. Cette mesure pourrait être enterrée par le gouvernement, ou du moins être vidée de sa substance, en posant des conditions tellement strictes qu'elle ne concernerait plus qu'une poignée d'individus.
C'est l'objet de discussions que Gérald Darmanin mène en coulisses avec la droite qui joue ici sa légitimité après avoir clamé ses ambitions. D'ailleurs, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui avait présenté ce titre de séjour à l'automne dernier, a disparu du paysage. Cette concession sera-t-elle suffisante pour arracher l'appui de la droite ? Pas sûr. Sans compter que si le texte n'était plus que répressif et enterrait le fameux « en même temps », il pourrait aussi réveiller les divisions internes à la majorité ou contraindre Emmanuel Macron à se muer en président de droite et à ainsi terminer « le troisième mandat de Nicolas Sarkozy », comme entendu du côté de la rue du Rocher.
Un projet de la loi de finances comme nouvel horizon de campagne
La nouvelle saison du feuilleton de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) démarrera le 20 septembre à 9 h 30. La commission des finances de l’Assemblée nationale se réunira pour examiner ce texte qui définit la trajectoire des finances publiques prévue par le gouvernement jusqu’à la fin du quinquennat, et qui prévoit, entre autres, de ramener le déficit public sous les 3 % du PIB et d’atteindre le plein-emploi en 2027. Résumé des épisodes précédents : rejeté par l’Assemblée en octobre, le texte est revenu en décembre en commission mixte paritaire, qui a échoué, la majorité ne trouvant pas d’accord avec LR qui jugeait les économies pas assez substantielles. Tout en insistant sur combien ce texte était primordial, le gouvernement n’a pas pour autant décidé de lui consacrer sa seule cartouche de 49.3 par session parlementaire.
Entre-temps, le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), Pierre Moscovici, ne manque pas une occasion de rappeler que nos finances sentent le roussi quand les Sénateurs en campagne pour leur réélection plaident pour plus de dotations pour des collectivités ayant déjà fait flamber, pour la partie communale, les taux d’imposition de la taxe d’habitation.
Mesures d'économies sur les politiques de l'emploi, du logement ou de la santé, changements sur la fiscalité, un autre postulant à l’Élysée, discret cet été, trouvera ici l’occasion de revenir sur le devant de la scène : Bruno le Maire. Mais il faudra compter sur le bras armé d’Emmanuel Macron à Bercy, le nouveau ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave, veillant au grain et prêt à moudre les prises de position de son ministre de tutelle, ainsi que celles de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et fidèle d’un autre aspirant à la Présidentielle, Edouard Philippe, tant les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2024 laissent entrevoir comme horizon la dette écologique, propice à l’éclosion médiatique de l’ancien maire d’Angers.
Sur la scène politique :
Le Darmatrain reste à quai à Tourcoing
Jeudi 24 août. Les téléphones s’agitent à l’Hôtel de Clermont. Au ministère des relations au parlement, Franck Riester a réactivé la cellule d’alerte avec Matignon et les pôles élus/territoires de Matignon et de l’Élysée. Point ici pourtant de 49-3 et de motion de censure mais de césure au sein de la majorité. Et déjà des fêlures. Dans une interview accordée à la Voix du Nord et diffusée en ligne ce jour-là, le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin allume la mèche de la dissidence après une semaine de flamboyante Sarkommunication. Et ce qui devait être une simple rentrée politique personnelle placée sous le signe de la « droite sociale » dans son fief à Tourcoing s’annonce déjà comme la résurrection d’une UMP aux relents d’épopée de 2007, passant par perte et profit un Emmanuel Macron à peine réélu. Ainsi, nombre de députés LR ayant répondu présents (Alexandre Vincedet, Julien Dive...), Liot (Estelle Youssouffa, Pierre Morel-À-L'Huissier) ou Modem (Richard Ramos) sont sommés de renoncer. Des ministres hésitants sont invités à trouver d’autres occupations… Le coup de flip est patent pourtant la voie du flop était tracée : Elisabeth Borne finit par s’inviter (un brin poussée en cela) à la grand-messe de son ambitieux ministre.
Élus de Renaissance, ministres et membres des Républicains s'y sont toutefois rendus. Difficile de ne pas voir dans ce rassemblement une première pierre posée vers la prochaine présidentielle de 2027. Difficile aussi, après le grand retour de l’ancien président, de ne pas y voir un syncrétisme Sarkozyste comme un caillou sur le chemin menant vers l’Élysée. S’il s’est placé prudemment en héritier du Macron de 2017, tout en insistant sur l’impératif d’un retour de l’autorité, il règle surtout ses pas sur ceux de son ancien mentor Nicolas Sarkozy. En théorie ou sur un plateau de chaîne info ça passe, mais le grand équilibre entre droite Beauvau et droite Bistro était délicat pour incarner et fédérer espoir et opportunisme en seulement une opportunité et une posture. Le momentum oui, mais avec les limites de l’exercice quand il s’agit de parler à l’électorat populaire devant un parterre composé d’élus portés par la vague start-up nation de 2017 ou de grands féodaux de la droite de province.
Si Gérald Darmanin maîtrise bien le Sarko première langue à l’écrit : appel au peuple, rappel à ses origines populaires, virage social… l’épreuve à l’oral a souffert de la comparaison avec son modèle, comme le résume un élu participant, ancien sarkolâtre : « Les groupes de reprises de nos artistes préférés, c’est toujours tentant sur le papier, puis une fois sur place, le bar est cheap, la soirée est remplie de pique-assiette, le mec chante faux et les versions sont expédiées ou massacrées… toujours déceptif. »
Si le nombre de parlementaires présents était massif, difficile de faire le tri entre les convaincus (si ce n’est les députés Karl Olive et Patrick Vignal, partis au front dans les médias pour le soldat Darmanin), les amis de longue date (les ministres Sébastien Lecornu, Olivier Dussopt), les observateurs (Laurent Marcangeli, Sylvain Maillard) et les curieux (du patron de l’UDI Hervé Marseille au fidèle d’Eric Ciotti, le sénateur Le Rudelier). D’autant que l’initiative de Gérald Darmanin n'a pas été bien vue par un bon contingent d’élus Renaissance, dont le chef Stéphane Séjourné… « le moment mal choisi, avec des raisons qui ne sont pas forcément pertinentes et une sincérité douteuse. Si c’est pour répondre au fait qu’il n’a pas été premier ministre, c’est très égotrip et pas très corporate, on peut faire populaire sans faire populacier... » explique un député pourtant présent dans un décorum qui ferait passer « Bienvenue chez les Ch'tis » pour un film des frères Dardenne. C’est ainsi que le départ du train Darmanin en direction de 2027 s’est brusquement arrêté en gare, station Renaissance, pour devenir un séminaire de rentrée de la majorité présidentielle (douchant au passage nombre de LR et UDI annoncés partants). Le ministre jouait le KO, c’est en GO qu’il dû officier, recadré par l’Élysée et encadré chez lui, par une Elisabeth Borne qui n’en demandait pas tant. Et de faire référence, sur scène, à celui qui est déjà qualifié comme le rival de Gérald Darmanin dans la course pour 2027 : le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. « Je crois que nous pouvons tous ici saluer la politique économique menée depuis six ans, sous l’autorité d’Emmanuel Macron, de Bruno Le Maire », a déclaré la première ministre, déclenchant les applaudissements du public. « La majorité avance d’un bloc depuis six ans et tient bon, même dans les tempêtes. Elle n’est jamais empêchée, car elle est animée par le fait de donner des solutions aux Français », a-t-elle ajouté en appelant indirectement son gouvernement (et surtout son ministre de l’Intérieur) à l'unité.
Elisabeth Borne en a aussi profité pour rappeler qu'elle était aux commandes en demandant à ses ministres « des résultats concrets et visibles pour les Français » comme énième œillade au Monsieur sécurité du gouvernement, fortement attendu en la matière… En faisant le choix de se rendre sur les terres de Gérald Darmanin, la cheffe du gouvernement s'est mise en travers de sa route et a stoppé son émancipation vers 2027. Un coup d’éclat et un coup de com’ ne font pas encore un coup d’État, semble répondre au premier flic de France la locataire de Matignon. L’homme du Nord, certes excellent tacticien, devra néanmoins travailler sa stratégie.
Un pied dans la majorité, un autre vers une droite en recomposition, coincé dans un combat annoncé avec Édouard Philippe et Bruno le Maire, Gérald Darmanin a bien posé un jalon non négligeable, mais l’espace politique reste encore à définir pour l’énième chantre de la droite sociale après Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand et Aurélien Pradié. Le discours martial et la méthode marquée ne suffiront pas sans résultats et positionnement clair quand ses deux adversaires du camp présidentiel sont déjà identifiés par l'opinion sur des segments définis et comptent nombre de fidèles résolus. L’envie ne suffit décidément plus pour être président, sinon Jean-François Copé aurait déjà fait ses deux quinquennats…
Décryptage :
Voyage au bout de l’ennui à Saint-Denis
La loi sur l'immigration crée l'émulation, le budget fait bouillonner Bercy, pendant ce temps-là, pas de vague, Emmanuel Macron convoque la classe politique en séminaire à Saint-Denis. Un conclave diront certains, même si les 12 heures passées ont parfois suffi dans l’histoire de la papauté pour élire un pontife, la fumée blanche n’est pas apparue pour autant au pied de la basilique dans la nuit du 30 août à 3 heures du matin.
« Nous n’attendions rien, nous ne sommes pas déçus », dit-on dans l’entourage d’Olivier Faure. Emmanuel Macron lui-même n'espérait pas de « Révolutions » ni de ralliements, il faut dire. Il disait vouloir « échanger à la loyale » avec les oppositions, dont acte. Après 12 heures on ne peut plus scénographiées, l'exécutif va devoir passer très vite aux travaux pratiques, en particulier pour faire adopter un texte emblématique : le projet de loi sur l'immigration.
À mi-chemin entre un grand débat et un Conseil National de la Refondation, les agapes comprenaient bien entrée, plat et dessert : la situation internationale, les questions institutionnelles, et enfin un bloc intitulé « faire Nation », regroupant l’école, la sécurité, l’autorité, et enfin l’immigration en digestif. Des grands enjeux pour le côté CNR.
L’enjeu est double. En ces temps de majorité relative, il s’agissait d’abord d’envoyer un message aux Français : l’exécutif est ouvert au dialogue, Jupiter est devenu Hermès. Et de mettre au carré chacun, majorité et surtout opposition, devant ses responsabilités. Écouté pour certains, entendus pour d’autres, aphones de facto, sourds pour les plus réfractaires, l’exercice a fait son office tout en austérité Ciscerticienne. Pour le côté Grand débat, Emmanuel Macron a voulu une « discussion franche, à la loyale », sans posture. D’où le terrain, neutre, et le décor, solennel : la maison d’éducation de la Légion de l’honneur de Saint-Denis. Des plus opposants aux plus conquis, la cible a pu être atteinte tant il s’agit là d’un exercice qu’affectionne particulièrement le Président.
Tentation du « en même temps » : les flèches venant de sa droite, Emmanuel Macron, en Saint Sébastien du Faubourg Saint-Honoré, a répliqué avec la tenue prochaine d’une conférence sociale, l’amorce d’un référendum ou préférendum nous promettant déjà de vastes débats comme on les aime tant en France sur nos institutions et notre mille-feuille territorial (un engagement sans trop de risques pour un président comptant si peu de sénateurs dans son sillage ou pouvant se représenter) ou le retour d’une concertation sur la transition écologique. De nouvelles sessions de travail sont déjà au programme, comme autant de temps gagné pour l’exécutif.
Enfin, il s’agissait surtout de rester dans la posture communicationnelle engagée lors des allocutions estivales : Sérieux et sobriété ! La mise en scène avait donc son importance : pas de collaborateurs, pas de portables, pas de communication à la presse : le président seul face à 11 chefs de partis… Les agapes prenaient un air de Cène à Saint-Denis où faute d’apôtres à l’honneur les Ponce Pilate étaient légion.
L’autre message de l’exécutif, troisième étape du plan de communication post-remaniement : apaiser le climat politique. Et s'il s’agit maintenant de décrisper le débat public après un an d’échanges survoltés à l’Assemblée, et six mois de crise sociale dans le pays provoquée par la réforme des retraites, les discussions prochaines du projet de loi de finances et les ambitions affichées dans la majorité de pré-candidats à l’Élysée, le Président jadis en marche débute son chemin de croix.
Le politique de la semaine :
Le nouveau monsieur numérique
Paul Midy intègre l'École polytechnique en 2003 et poursuit avec un master à l'université Columbia. Il débute chez McKinsey & Company en 2007. Plus tard, il dirige des startups africaines comme Jumia Travel et Jumia Pay, contribuant à leur succès boursier. Il a également eu des engagements politiques, notamment en tant que conseiller municipal et adjoint de Stanislas Guerini à La République en marche. Élu député en 2022, il siège au sein du groupe Renaissance et participe à la commission des Affaires économiques.
Cette semaine il vient d'être nommé rapporteur général de la commission spéciale sur le projet de loi “Numérique” à l’Assemblée.
C'est tout pour cette semaine ! N'hésitez pas à partager cette newsletter avec vos collègues et à nous contacter pour toute question ou besoin de clarifications. On se retrouve vendredi prochain. À bientôt !